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Parysatis, l'oeuvre commune de Jane Dieulafoy et Camille Saint-Saëns






Alors que nous célébrons le 100eme anniversaire de la disparition du compositeur français, Camille Saint-Saëns (1835-1921), il me semblait bienvenu d'évoquer avec vous, la collaboration artistique, assez méconnue, de ce grand musicien avec Jane Dieulafoy.

Jane Dieulafoy s'est fait connaître du grand public par ses récits de voyage, publiés épisodiquement, dans la Revue du Tour du Monde, avant d'être réunis dans deux oeuvres de prestige, La Perse, la Chaldée et la Susiane, et À Suse, journal des fouilles, aux éditions Hachette. Ce que l'on sait moins, dans son parcours littéraire, c'est qu'elle a écrit le livret d'un opéra.

En effet, au début du XXème siècle, Jane Dieulafoy s'est illustrée sur la scène lyrique, en s'associant avec le compositeur Camille Saint-Saëns. Musicien hors-pair, timide et facétieux, Saint-Saëns est loin d'apprécier la gente féminine. Sa mère et sa femme ont toujours voulu brimer ses élans, il fuit donc la compagnie des femmes. Lorsqu'il rencontre Jane Dieulafoy en 1898, aux arènes de Béziers, lors de la représentation grandiose de son oeuvre Déjanire, il tombe littéralement fou d'elle. Elle est loin de l'archétype de la bourgeoise de la Belle-Époque qu'il n'appréciait guère. Un coup de foudre amical, qui les amène à travailler ensemble. Camille Saint-Saëns cherche un nouveau sujet pour monter un opéra, il jette son dévolu sur Parysatis, une oeuvre de Jane qui s'inspire du destin tragique d'une vraie reine perse, prête à tout pour que son fils préféré s'empare du trône. Tandis qu'elle retravaille le script, le compositeur s'exile en Égypte pour trouver l'inspiration. Au Caire, il se sent plus libre de vaquer à ses occupations. Se laissant influencer par les chants orientaux populaires, il découvre des sonorités nouvelles, avec des instruments anciens qui donnent à sa création, une grande originalité. À son retour en France, il livre une partition orientale fascinante, digne des Mille et Une nuits.


Jane Dieulafoy à la première de Parysatis

Les 17 et 18 août 1902 deux représentations monumentales sont données aux arènes de Béziers, transformées en véritable palais persan. Les décors sont réalisés par les équipes de l'Opéra de Paris, en étroite collaboration avec Marcel Dieulafoy. Plus de six cent interprètes sont réunis sur scène. Parmi eux, on compte pas moins de 200 choristes, 400 musiciens et 60 danseurs. Les comédiens qui interprètent les personnages principaux sont, pour la plupart d'entre eux, issus de la Comédie française, notamment Eugénie Second-Weber, Marie-Caroline Laparcerie-Richepin et Georges Dorival. Le spectacle est digne d'un show hollywoodien. L'espace grandiose de l'amphithéâtre antique donne à cette production lyrique un écrin prestigieux, avec une perspective plus vraie que nature. Les costumes sont exécutés sous l'étroite surveillance de Jane, dans l'atelier parisien de Léon Cousin.


Eugénie Second-Weber, dans le rôle de Parysatis

Georges Dorival dans le rôle d'Artaxerxès


Les fonds récoltés lors de la première représentation sont destinés aux Oeuvres Patriotiques et de Bienfaisance. Ce jour-là, les spectateurs ébahis découvrent une scénographie spectaculaire. Inspirée de croquis de Marcel Dieulafoy, cette reconstitution historique monumentale est d'une grande minutie. La presse et le public sortent conquis de cet opéra conçu à quatre mains. Jane se félicite et se confie aux journalistes avec un enthousiasme communicatif :

Imaginez une scène de 70 mètres de large, de 40 mètres de haut et de 30 mètres de profondeur, divisée en trois étages de terrasses qui, de l'orchestre laissé libre, s'élèvent splendides et superbes, découpant leur profil sur les frondaisons des jardins suspendus que couronne la salle du trône, ce sanctuaire de la royauté perse.

Fort du succès de Parysatis, Camille Saint-Saëns, suggéra à Jane Dieulafoy, une série de représentations en Amérique, où il avait acquis une grande notoriété, et où il fit plusieurs tournées. Le projet n'aboutira pas, mais le compositeur et sa collaboratrice continueront de se fréquenter et de s'écrire régulièrement. Il signait ses lettres : votre tout dévoué Saint-Saëns, preuve d'une amitié profonde et d'une admiration réciproque, que le temps ne dénoua jamais.




Parysatis, acte 1

Parysatis, acte 2

Parysatis, acte 3

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à vous plonger dans la biographie de Jane Dieulafoy, le destin fabuleux de Jane Dieulafoy, paru chez le Papillon rouge éditeur en mars 2020.


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