top of page
  • Photo du rédacteuraudrey-marty

L'Espagne et le Portugal du début du XXe siècle immortalisés en photo, par le couple Dieulafoy


Le Castello de Guadamur à Tolède, photo réalisée par le couple Dieulafoy entre 1901 et 1905.

Tout au long de leur vie, Jane et Marcel Dieulafoy ont parcouru bien des contrées, portés par une fascination commune pour les civilisations anciennes. Pour étancher leur soif de connaissance, ils se sont rendus à trois reprises en Perse, entre 1881 et 1886. Ils ont pénétré dans les terres reculées du Fars, une zone géographique située dans le sud-ouest de l'Iran actuel, à la recherche des origines de l'architecture gothique méridionale, avant de poursuivre leurs pérégrinations en Espagne et au Portugal. Entre 1888 et 1914, ils séjourneront à vingt-trois reprises dans la patrie du Cid.

A chacun de leurs voyages, Jane tient un journal de bord, dans lequel elle consigne scrupuleusement les faits marquants de leur itinérance. Véritable reporter de terrain, elle emporte également dans ses bagages du matériel photographique, afin d'illustrer ses notes manuscrites quotidiennes. Conservés dans plusieurs fonds d'archives (Bibliothèque Nationale de France et Institut National d'Histoire de l'Art), les albums du couple Dieulafoy constituent aujourd'hui une collection remarquable, d'une richesse socio-culturelle incomparable. Loin de s'intéresser aux seules architectures, Jane et Marcel appréciaient de côtoyer la population locale, dont ils ont immortalisé les us et coutumes, à travers l'objectif de leur appareil photographique.


Rue de Salamanque, villageois

Rue de Sahagun, des marchands et leur charrette

Marchandes d'orange à Lugo

Palencia, femmes et enfants se ravitaillent en lait

Marchands, place du marché à Léon

Marché de Léon

Derrière leur objectif, ils se font les témoins des changements sociétaux de la fin du XIX siècle. Entre tradition et modernité, entre urbanisme galopant et ruralité moribonde, le couple Dieulafoy voit le monde occidental s'engager vers de nouveaux horizons. Ainsi, sur ces différents clichés, on redécouvre des métiers oubliés, colporteurs, camelots, marchands ambulants, qui côtoient les prémices de la modernité, représentés ici par les nouvelles lignes du tramway, au coeur même du centre historique de Lisbonne. Le progrès est en marche, mais la vie reste rude pour les petites gens. Tandis que des troupeaux de vaches s'abreuvent sous le pont romain de Salamanque, à Tarragone des femmes lavent leurs linges dans les eaux froides de la rivière. Au Portugal, la ville de Porto se dote d'un pont à la structure d'acier ultra moderne : le pont Don Luis construit entre 1881 et 1886 par l'architecte Théophile Seyrig, un disciple de Gustave Eiffel. Ailleurs dans le pays, les femmes de Bélem se pressent aux fontaines publiques pour remplir leurs jarres d'eau potable.


Femmes à la fontaine, Tarragone

Porteuses d'eau à Tarragone


Séville, le marché

Troupeaux de boeufs s'abreuvant sous le Pont romain à Salamanque

Pont en acier Don Luis à Porto (construit entre 1881 et 1886)

Tramway dans les rues de Lisbonne

Les monuments religieux sont largement représentés dans les clichés des Dieulafoy, puisqu'ils sont au centre des réflexions architecturales de Marcel. En parallèle, Jane réalise de nombreuses prises de vue des différentes processions religieuses qu'ils rencontrent, au cours de leur pérégrination. Contrairement à la France, qui en 1905 vote la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, l'Espagne et le Portugal restent farouchement attachés à leur catholicité. Ce respect des traditions, est un gage de stabilité pour Jane et Marcel, qui pressentent, avec la montée en puissance des groupes anarchistes, la fin d'une époque sans guerre. Bientôt, le vieux continent va s'embrasser, le premier conflit mondial se prépare.


Communiante à Huesca

Notre Dame des sept douleurs, église San Miguel, Valladolid


Sortie d'église à Tarragone


Parvis de l'église de Santiago


Procession du drapeau national, Léon

Toutes ces photographies permettent de voir resurgir un passé, pas si lointain. A cette époque, les classes laborieuses se tenaient à l'écart de bien des inventions modernes. La photographie était encore le privilège de quelque uns, qui se faisaient très souvent tirer le portrait. La majorité de la population se fendait de quelques sous pour les grandes occasions. La communion, le mariage et le décès faisaient partis des rares moments de la vie, immortalisés par l'image. Les gens étaient beaucoup moins obnubilés par leur égo, les perches à selfie n'auraient sans doute pas remporté le même succès qu'aujourd'hui. Grâce à ces quelques clichés, (certains albums contiennent jusqu'à 700 clichés qui sont parfois en assez mauvais état) le couple Dieulafoy participe à la mise en lumière tardive de toute cette partie de la société espagnole et portugaise, longtemps reléguée aux oubliettes de l'Histoire. En les redécouvrant, on pose un regard ému sur tous ces personnages qui ont vécu le passage entre deux siècles et connus une révolution industrielle sans précédent.

L'ensemble de ces photographies ont illustré plusieurs ouvrages publiées par les Dieulafoy. Marcel s'en est largement servi dans son étude sur Le statuaire polychrome en Espagne du XII au XV siècle, ainsi que l'Art en Espagne et au Portugal, paru en 1913. De son côté, Jane n'est pas en reste. Ses photographies se retrouvent en bonne place dans Aragon et Valence, publié en 1902, Castille et Andalousie publié en 1908 et Isabelle la grande, oeuvre posthume, éditée peu après son décès survenu en 1916.

L'album de Jane et Marcel Dieulafoy de leur voyage en Espagne et au Portugal est visible sur le site de la Bibliothèque Nationale de France, en cliquant sur ce lien [767 phot. d'Espagne, du Portugal et du Roussillon, par Marcel et Jane Dieulafoy : n° 1 à 286] | Gallica (bnf.fr)

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à vous plonger dans la biographie de Jane Dieulafoy, le destin fabuleux de Jane Dieulafoy, paru chez le Papillon rouge éditeur en mars 2020.

149 vues0 commentaire
bottom of page